Le plaisir de "douter ensemble" — Retour sur la soirée d’anniversaire du programme Georges-Arthur Goldschmidt

Compte rendu

juin 2025

Être traducteur, c’est exercer un métier solitaire : tel est l’un des clichés les plus répandus. Mais la célébration du quart de siècle du programme Georges-Arthur Goldschmidt - réunissant jeunes traducteurs de France, d’Allemagne, de Suisse et d’Autriche - a démontré le contraire. Lors d’une table ronde, Andreas Jandl (Allemagne), Lionel Felchlin (Suisse) et Régis Quatresous (France), trois anciens participants, ont partagé leur expérience. Tous s’accordent à dire que c’est justement le contact humain qui donne tout son sens et sa richesse à cette profession.



Pas seuls ! Régis Quatresous, Andreas Jandl et Lionel Felchlin réunis à Paris 


Pour Carole Fily, autre ancienne participante française, l’événement a donné lieu à une rencontre avec l’auteur allemand Ulrich Effenhauser, dont elle a traduit deux romans noirs publiés chez Actes Sud. Selon elle, "traduire consiste à douter sans cesse". Grâce au programme, qui propose des ateliers de traduction en binôme et en groupe, elle a découvert une dimension essentielle : "Voir qu’on doute avec d’autres, cela fait du bien. On se sent moins seul. "



Quand un jeune traducteur me dit 'je n’y arrive pas', je réponds : 'vous êtes comme moi, on va essayer ensemble.'



L’atelier de "craduction", animé par Justine Coquel et Valentin Decoppet, en a offert une illustration lumineuse et très amusante. L’exercice qui consiste à traduire des textes écrits dans une langue que l’on ne maîtrise pas et qui combine traduction littéraire et écriture créative a clairement montré que les meilleures idées naissent souvent d’une réflexion collective. 



Valentin Decoppet, ancien participant suisse, en attente de "craductions" 


L’anniversaire de ce programme, organisé par l’Office franco-allemand pour la jeunesse, France Livre, la Foire du livre de Francfort, Pro Helvetia et le ministère autrichien des Affaires étrangères, a aussi été l’occasion de diffuser une interview exclusive de Georges-Arthur Goldschmidt, réalisée par France Livre en mars 2025. Parrain du programme depuis 2007, Goldschmidt est aujourd’hui l’un des traducteurs franco-allemands les plus connus. 



Georges-Arthur Goldschmidt, toujours dans le partage


Né en 1928 de parents juifs, il fuit le nazisme en 1938, trouvant refuge en Italie puis en France. C’est à Paris qu’il devient traducteur, "sans le vouloir" raconte-t-il, après sa rencontre avec l’éditeur Christian Bourgois qui lui propose de traduire Nietzsche puis Peter Handke. Et même après tant d’années de pratique - à 97 ans, il continue d’écrire et de traduire - le doute ne l’a jamais quitté. "Quand un jeune traducteur me dit 'je n’y arrive pas', je réponds : 'vous êtes comme moi, on va essayer ensemble.'"


Dans cette interview, Georges-Arthur Goldschmidt livre aussi sa vision des différences entre l’allemand et le français, évoque les qualités nécessaires pour devenir traducteur, et explique pourquoi selon lui l’intelligence artificielle ne remplacera jamais la traduction littéraire. Des réponses toujours aussi vives, surprenantes et truffées d’humour, à découvrir ici.



Gina ARZDORF, Hannah SANDVOSS

Photos © Suzy Noblet (OFAJ)