Pour ses 25 ans, le programme Goldschmidt s’ouvre à l’Autriche
Lorsque l’écrivain et traducteur français d’origine allemande Georges-Arthur Goldschmidt parle de son métier, sa passion se fait immédiatement sentir : "Dans la traduction, il y a toujours cette petite distance que rien ne viendra résoudre, surtout pas l'intelligence artificielle. Si tu traduis, on te reprochera toujours de ne pas avoir franchi l'intervalle. Mais je me suis aperçu que l'intéressant, c’était justement le fait d’échouer. "
Dans le jardin de Van Gogh au CITL à Arles
Lors de ce programme qui fête ses 25 ans et porte fièrement son nom, dix traducteurs et traductrices en début de carrière travaillent pendant plusieurs semaines sur leurs projets afin de réduire "cette petite distance" à un minimum. Organisé par l’Office franco-allemand pour la jeunesse, le BIEF, la Foire du livre de Francfort et la Fondation suisse pour la culture Pro Helvetia, le programme est depuis cette année également soutenu par le ministère autrichien des Affaires européennes et internationales. Une belle ouverture permettant de réunir de jeunes traductrices et traducteurs allemands, autrichiens, suisses et français qui ont tous en commun une grande passion pour les mots et le transfert d’un texte d’une langue et d’une culture à l’autre.
Des séjours en France, en Allemagne et en Suisse
La réussite d’un traducteur littéraire ne consiste pas seulement à maîtriser les langues, affirme Georges-Arthur Goldschmidt, traducteur entre autres de Friedrich Nietzsche, Franz Kafka et Peter Handke vers le français. Il est également indispensable de se familiariser avec le pays d’origine d’un texte. Ce besoin d’immersion se trouve au cœur du programme Goldschmidt : pendant deux mois, les participants ont fait des allers-retours entre la France, l’Allemagne et la Suisse.
Après un séminaire d’introduction à Francfort, le groupe s’est dirigé vers le nord pour participer à un premier atelier de traduction du français vers l’allemand à Berlin animé par Andreas Jandl, traducteur entre autres de David Diop et lauréat du prix Eugen-Helmlé pour l’ensemble de ses traductions du français vers l’allemand. Grâce à son expérience, également en tant qu’ancien participant du programme Goldschmidt, les jeunes traducteurs et traductrices ont eu l’occasion d’avancer sur la technique de la traduction et de mieux découvrir le métier.
J’ai l’impression d’avoir gagné quelques années d’expérience d’un coup, c’est une sacrée avance.
Ce premier atelier était également l’occasion d’initier le groupe au travail en tandem et en collectif, une méthode fortement appréciée, comme en témoigne Manon Hopf, participante allemande du programme : "Traduire ensemble, c’est comme jouer dans un orchestre."
Le séjour en Allemagne a également compris des visites de maisons d’édition à Berlin et Francfort, permettant au groupe d’entrer en contact avec les éditeurs et de leur présenter les livres sur lesquels ils travaillent durant le programme. A suivi l’étape suisse du programme, avec des rencontres de professionnels du livre à Zurich, Lausanne et Genève afin de mieux découvrir le paysage éditorial de ce pays multilingue et multiculturel.
Dans les bureaux de Sabine Wespieser
Après le séjour en Suisse, les valises ont à nouveau été faites pour une dernière semaine de visites, cette fois-ci en France. À Paris, le groupe a pu rencontrer des éditeurs et responsables de droits de grandes maisons telles Delcourt et Le Seuil, ainsi que de maisons d’édition indépendantes comme L’Arche, Sabine Wespieser et Les Argonautes. "Je me sens prête à me lancer dans ce métier grâce au réseau que j’ai pu constituer pendant ces deux mois", estime Marina Faffelberger, première participante autrichienne du programme Goldschmidt.
"Sans traducteurs mon travail n'existerait pas"
Lors de ces rencontres, le constat a été rapide : face à la précarisation du métier et la menace de l’intelligence artificielle, les liens personnels restent essentiels ! La relation de confiance que doivent établir traducteurs et éditeurs a été soulignée par Ambre Tahon-Franquesa, éditrice aux éditions Les Escales, tandis que Benoît Virot, directeur éditorial du Nouvel Attila, a mis en avant le rôle du traducteur en tant qu’apporteur de projet : en effet, 75 % des traductions publiées par sa maison viennent de propositions faites par des traducteurs. Nicolás Rodríguez Galvis, éditeur aux Éditions Métailié, va encore plus loin en disant que sans eux, son travail n’existerait pas.
Le neuvième pays, la nouvelle librairie allemande à Paris
La 25e édition du programme Georges-Arthur-Goldschmidt s’est clôturée au Collège International des Traducteurs Littéraires (CITL) à Arles, où les participantes et participants se sont consacrés à la traduction de l’allemand vers le français. Mentoré par Juliette Aubert-Affholder, lauréate du prix Nerval-Goethe pour sa traduction du Roman de Tyll Ulespiègle de Daniel Kehlmann, le groupe a également préparé une lecture bilingue au CITL afin de présenter son travail à la fin de ce programme très riche tant au niveau professionnel qu’humain : "J’ai l’impression d’avoir gagné quelques années d’expérience d’un coup, c’est une sacrée avance", conclut la jeune traductrice française Gaëlle Beuvelet.
Gina ARZDORF, Hannah SANDVOSS, Katja PETROVIC